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La Caverne de Kum Kum
18 mai 2006

Rencontre avec RINTARÔ - Interview (AnimeLand)

RENCONTRE AVEC RINTARO

AnimeLand : Quand vous avez commencé à travailler, vous étiez crédité avec votre vrai nom, HAYASHI Shigeyuki. C'est à partir de la première série de Moomin, en 1969, que vous utilisez le pseudonyme de RINTARÔ, alors poutquoi avoir choisi ce nom?
RINTARÔ : Comme tout le monde, j'ai effectivement commencé par utiliser mon vrai nom, mais rapidement j'ai eu le sentiment que dans le cadre d'un travail relatif à celui de l'animation il pouvait y avoir une sorte de décalage. Depuis un moment mes compagnon de travail me donnait un surnom : mon nom de famille est HAYASHI (qui signifie bois) et ce dernier peut également se prononcer "Rin" dans la lecture sino-japonaise. Affectueusement on me surnommait donc Rin-chan. Par la suite est sorti je ne sais d'où le nom de Tarô qui est extrêmement commun dans la composition des noms japonais (NDLR : Keitarô, Kintarô, Kôtarô...) et finalement, ces deux signes se sont mêlé et c'est ainsi qu'est né ce surnom à mon égard. Au final, j'ai choisi de l'adopter comme nom d'artiste, car je trouvais que cela convenait mieux pour signer et ainsi personnaliser mon travail.

AL : Que vous ont apporté vos premières expériences chez Tôei Animation et Mushi Production ? Visiez-vous déjà la mise en scène quand vous avez débuté dans l'animation ?
R : Comme vous le savez, j'ai débuté comme coloriste puis animateur chez Tôei. En tant que dessinateur d'animation, il y a eu un moment où je me suis rendu compte - assez rapidement, du reste - que j'atteignais déjà mes propres limites. Je pense que je n'étais pas assez bon au niveau du dessin pour dépasser ou égaler un certain nombre de gens qui s'imposaient déjà comme de très grands noms dans ce domaine-là. A partir du moment où j'ai compris cette limite, la voie qui me restait, à mon sens, était celle de la réalisation. C'est sur ces entre faits que j'ai rencontré M. TEZUKA et que je l'ai rejoins aux studios Mushi Productions. Depuis le début je lui ai demandé de me laisser faire la mise en scène. C'est ainsi que j'ai pris part à la réalisation de la première série pour la télévision en 1963, Tetsuwan Atom (Astro, Le Petit Robot). A cette époque-là, il faut savoir qu'il n'y avait rien de fixé, que rien n'était établi en terme de techniques de mise en scène. Je n'avais pas d'idée définitive sur la question, mais j'avais, dans une certaine mesure, une sorte d'assurance sur le style d'animation que nous pouvions mettre en forme, qu'il était possible de faire dans le cadre de la télévision. Je me suis alors inspiré d'un certain nombre de films que j'avais pu voir - car je m'intéresse à la production cinématographique depuis que j'ai 13 ans - dans le cinéma américain, français ou italien. CCette expérience de cinéphile m’a aidé à trouver des idées et à me forger ensuite mon propre style.

AL : Pendant les années 70, vous dirigez un certain nombre de série télévisées très variées : Moomin, Kum-Kum, Grand Prix, Albator, etc. Puis, en 1979, vous réalisé votre premier long métrage, Galaxy Express 999. La réalisation de ce film a t’elle été un tournant dans votre carrière, notamment pour pouvoir passer ensuite à des longs métrages comme Harmagedon, Kamui, etc ?
R : Oui, en effet ; pour vous dire en deux mots, au moment où j'ai travaillé sur ce film, le Japon ne produisait pas encore beaucoup de longs métrages d'animation. Peu de temps avant était sorti, en 1977, un film de Space Cruiser Yamato qui avait reçu un très bon accueil chez les adolescents et les jeunes adultes, un public qui s'est alors révélé, en quelque sorte. Le film de Galaxy Express 999 sorti deux ans plus tard a contribué, avec Yamato, à marquer un changement dans la perception du film d'animation aussi bien du point de vue du public que de la profession. Les producteurs ont alors compris que ce style de production avait un sens et pouvait trouver son public.
Jusque là, je n'avait travaillé que sur des production télévisée et, comme vous l'avez souligné, ce long métrage est pour moi un véritable point de séparation, un sorte de ligne qui marque le début d'autre chose.

AL : De la même façon, vers 1987, vous vous détachez de la production de longs métrages pour réaliser un certain nombre d'OAV (programmes destinés exclusivement à la vidéo). Pensiez-vous qu'à ce moment-là, l'OAV représentait un nouveau domaine à explorer?
R : Effectivement, j'ai participé avant cela à un certain nombre de longs métrages. Or c'est un travail qui n'a pas forcément de continuité dans le temps. Vous savez, c'est très difficile au Japon de continuer à réaliser l'un après l'autre des films de long métrage car les opportunités ne se présentent pas toujours. A cette époque, c'est donc quelque chose qui s'est arrêté et comme de nombreuses productions pour la vidéo voyaient le jour... Je me suis dit que c'étai un champs d'action intéressant car il permettait de créer des choses différentes des productions de cinéma ou de télévision. J'ai donc jeté l'ensemble de mes forces dans ce nouveau défi.

AL : La plupart des films que vous avez réalisés sont tirées d'œuvres d'auteurs (CLAMP, MATSUMO Leiji, TEZUKA Osamu...). Cette absence d'œuvres originales est-elle un chois de votre part ? N'avez-vous pas en tête de mettre en scène quelque chose de plus personnelle ?
R : Je reconnais volontiers que bon nombre de mes travaux sont issus d'œuvres. Ce qui m'importe dans tous ces projets d'adaptations, c'est l'intérêt que je porte à toutes ces œuvres originales, ce qu'elles m'inspirent. Quant à travailler sur des projets plus originaux, c'est justement ce qui s'ouvre à moi désormais puisque je pense sérieusement me pencher sur autre chose que des adaptations. Mais parmi les dessins animés que j'ai pu diriger, il y a tout de même le grand segment Labyrinth que j'ai réalisé au sein du film omnibus Manie Manie. Là, c'était vraiment quelque chose que je revendique pleinement come personnel.

AL : Vous venez de travailler sur la tout nouvelle série d'Harlock (Albator). Qu’apporte cette nouvelle réalisation par rapport à la série d’origine de 1978 ?
R : Vous devez vous dire que c'est encore une énième adaptation d'une œuvre de MATSUMOTO, mais si j'ai accepté ce projet, c'était dans le but de faire autour d'Harlock ce qui n'avait pas été possible il y a 20 ans, tant techniquement qu'artistiquement.

AL : Dans le travail de réalisateur, il y a aussi le choix de l'équipe qui va travailler avec lui sur un projet. Vous appartient-il entièrement et comment se fait-il ?
R : Je vais essayer de vous expliquer comment cela marche généralement. Je travaille depuis pas mal de temps au sein du studio Madhouse. Quand un projet voit le jour dans ce studio et que l’on m ‘en propose la réalisation, je commence par poser un certain nombre de bases. C’est le travail de panification et de conception scénique. Je réfléchis au style avec lequel on peut mettre en forme. Prenons le cas de l’adaptation de telle ou telle œuvre originale : Il faut réfléchir au design qu’aurons les personnages, à la création d’un monde via les décors mais aussi à la musique qui l’accompagnera, etc. Ensuite, trois possibilités s’offre à moi : premièrement, trouver ces gens parmi le personnel officiant à Madhouse, à condition qu’ils ne soient pas pris par une autre production (car le studio a souvent plusieurs projet en cours). Deuxièmement, si j’ai besoin de personnes extérieures au studio, j’en fais la demande au producteur et patron du studio, M. MARUYAMA. C’est ensuite lui qui se charge de les convaincre de nous rejoindre. Enfin, troisièmement, il m’arrive de solliciter à titre personnel des gens que je connais de longue date et que je souhaite vraiment intégrer au projet.
Par exemple, vous savez qu’à Madhouse travaille le réalisateur KAWAJIRI Yoshiaki (Ninja Scroll) qui était, au départ, animateur. Pour Metropolis, je souhaitais absolument qu’il anime une certaine séquence. Ça n’a donc pas été très compliqué, il a suffit que j’en fasse la demande, et comme il travaille lui aussi à Madhouse, j’ai pu bénéficié de ses talents sans problème.

AL : Justement, à propos de Metropolis, le choix au character design de NAKURA Yasuhiro, qui avait travaillé sur Crocus ou sur la nouvelle série de Moomin est assez surprenant. Vous appartient-il ?
R : Ce choix a été fait à deux, avec le producteur. Je comprends qu’il surprenne, mais ce qui nous importait c’était justement de trouver un dessinateur qui n’avait jamais dessiné de personnage de TEZUKA afin que son trait ne soit pas déjà habitué à celui du dessinateur original. Je pense que cela a permis d’apporter quelque chose de totalement neuf dans l’approche graphique de ces personnages que l’on connaît tous.

AL : De même, vous avez choisi pour les voix des deux personnages principaux de ne pas employer des seiyû, les habituels comédiens de doublage japonais. Pourquoi ?
R : Pour Ken’ichi et Tima, je voulais qui gardent une forme de pureté, de naturel. Le travail des artistes vocaux au Japon est vraiment axé sur la composition d’un rôle. Voilà pourquoi j’ai choisi deux personnes complètement en dehors de ce circuit-là. Ken’ichi a été interprété par KOBAYASHI Kei, un chanteur e Jazz, et Tima, c’est IMOTO Yuka, une jeune présentatrice de télévision.
Maintenant, une fois ces deux voix-là établies, j’ai quand même voulu les consolider en faisant appel, pour le reste des personnages à des comédiens tout à fait confirmés, et dont certains ont déjà une très longue carrière. Leur prestation a permis d’encadrer solidement le jeu des jeunes héros.

AL : Dans une interview donnée du temps de Metropolis, vous aviez confié que si vous deviez réaliser une autre adaptation d’un manga de TEZUKA, vous choisiriez Zero-Man. Est-ce un projet qui est d’actualité ?
R : Ce n’est pas impossible que cela se fasse un jour, mais pour l’instant il n’y a vraiment aucun projet concret de lancé.
(NDLR : Rintarô réfléchit...) En fait j’ai commencé à travailler avec M. TEZUKA il y a 40 ans sur Tetsuwan Atom (Astro Le Petit Robot), Jungle Taitei (Le Roi Léo) avant d’adapter en 1987 Hi no tori (Phénix) et pour moi, Metropolis représentait l’ultime travail basé sur une œuvre de TEZUKA que je comptais faire. C’était en quelque sorte une manière de boucler la boucle et très sincèrement je ne pense pas m’attaquer dans le futur à une autre de ses œuvres.

AL : Quels sont vos projets ?
R : Je réfléchis actuellement à un film qui intégrera de façon importante l’ordinateur et les images de synthèse, dans un rendu graphique qui risque d’être très différent de celui de Metropolis. Mais pour l’instant, je ne peux vraiment pas vous en dire plus.

AL : RINTARÔ, merci beaucoup !


Interview réalisée par Olivier Fallaix
Traduction : Ilan Nguyên
Remerciements : Festival Anima. Françoise Cathala

AnimeLand n°90 / Avril 2003



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